L’inquiétude des épargnants Français sur leur niveau de vie à la retraite s’est renforcée ces derniers mois. Selon une récente étude, ils sont également plus prévoyants. Comment placent-ils leur argent alors que la question de la date de départ revient au cœur du débat politique ?
C’est l’un des sujets brûlants de cette campagne des législatives anticipées. La retraite agite de nouveau les passions. La date de départ, reportée à 64 ans par la réforme Borne de 2023, ne sera peut-être bientôt plus qu’un lointain souvenir.
Alors que de nouveaux chamboulements législatifs pourraient intervenir, l’inquiétude des Français à l’égard de la retraite s’est déjà renforcée au cours des derniers mois. C’est l’un des enseignements de l’enquête « Les Français, l’épargne et la retraite » réalisée avant la dissolution (1) par l’IFOP pour le Cercle de l’épargne et Amphitéa en partenariat avec AG2R.
Les pensions de retraite ne seront pas assez élevées.
« La crainte de perte de pouvoir d’achat est extrêmement élevée pour les retraités actuels et futurs. L’idée de remettre en cause la réforme de 2023 peut être populaire mais cela peut aussi accroître l’inquiétude sur le pouvoir d’achat à la retraite », estime Philippe Crevel, le président du Cercle de l’épargne. Il considère aussi que le récent débat autour de la désindexation des pensions a laissé des traces dans les esprits.
Près de la moitié des retraités (47 %) seulement déclare « vivre correctement avec leur pension ». C’est 7 points de moins qu’en 2023 (54 %). Le contraste est saisissant avec l’édition 2023, qui à l’inverse, faisait état d’une hausse de la satisfaction des sondés sur cette question du niveau des pensions. « Cette dégradation n’est sans doute pas sans lien avec la vague inflationniste que la France a connu en 2022 et 2023 », pointe l’enquête.
Si l’on prend en compte l’ensemble de la population – retraités et non retraités confondus – seuls un tiers des répondants (34 %) estime qu’à la retraite « il vit ou vivra convenablement avec sa pension ». Parmi les non-retraités, les femmes sont 8 sur 10 (79 %) à juger que leur pension sera insuffisante pour vivre.
En cas de retour en arrière (à 62 ou 60 ans ?), deux options s’imposeraient pour maintenir le système des retraites à flot, soit augmenter les cotisations soit baisser les pensions, a brandi ces derniers jours Gabriel Attal, le chef de file de la majorité présidentielle.
Le Premier ministre est certainement conscient d’appuyer là où ça fait mal, en essayant de démontrer qu’une avancée de l’âge de départ, si séduisante soit-elle, menacerait directement le portefeuille des Français.
Il faut épargner davantage.
Après une baisse observée en 2023, les actifs se disent cette année plus nombreux à placer de l’argent dans un produit d’épargne pour améliorer leur retraite. 58 % des sondés indiquent remplir leur bas de laine en vue de leurs vieux jours contre 51 % en 2023. « La baisse de l’inflation permet aux ménages de réduire leur épargne de précaution au profit d’une épargne de long terme comme l’épargne retraite », relate l’étude.
Pour la première fois depuis 2016, l’assurance-vie se classe de justesse en tête des placements jugés intéressants par 61 % des épargnants. Elle passe devant le Livret A (60 %), qui avait bénéficié en 2023, de la hausse de son taux d’intérêt à 3 %.
Mesuré pour la première fois dans le cadre de l’enquête, le plan d’épargne retraite (PER) (57 %) déboule à la 3e place du podium des placements jugés les plus judicieux, devant l’investissement locatif.
L’étude montre que l’engouement pour ce produit récent lancé en 2018, va au-delà des cadres et des indépendants. Autre surprise, la principale motivation n’est pas l’enveloppe fiscale (le PER permet en effet de déduire une partie des versements de son revenu imposable). Son succès est avant tout dicté par la volonté de se constituer un supplément de revenu de capital pour la retraite, quelles que soit les catégories socioprofessionnelles.
21 % des sondés déclarent avoir déjà souscrit un PER, et 22 % entendent le faire prochainement. Reste qu’il peut se révéler fort coûteux dans bien des réseaux de distribution traditionnels. « Comme tout contrat d’assurance-vie, il faut surveiller les frais d’entrée et de gestion », rappelle Philippe Crevel.
L’intérêt envers les placements évolue en fonction de l’âge. Les jeunes actifs privilégient d’abord l’immobilier locatif, puis l’assurance-vie et le Livret A. Les plus de 65 ans citent l’assurance-vie (« outil de transmission » par excellence), le Livret A, et enfin l’investissement locatif. Plus téméraires et disposant de la vie devant eux, les moins de 25 ans sont plus nombreux que la moyenne à juger intéressants les actions et les cryptoactifs.
Ils veulent garder leur libre arbitre en matière de placements.
Comment mieux utiliser l’épargne pour financer la transition énergétique ? La question fait débat. 50 % des personnes interrogées plaident pour l’instauration d’avantages fiscaux sur les placements verts. De manière générale, les sondés manifestent aussi leur volonté de garder leur liberté de choix en matière de placements. Seuls 28 % des sondés souhaitent imposer aux assureurs et aux banquiers des obligations de placements dans des fonds écologiques.
Et ils sont encore moins (22 %) à se prononcer pour une taxation accrue des investissements dans les énergies fossiles. Si les Français reconnaissent les vertus de l’investissement socialement responsable, « le passage à l’acte est encore extrêmement faible », souligne Philippe Crevel. « Ce n’est pas encore instinctif dans le comportement des épargnants », ajoute-t-il. La quête de rendement et le souci d’assurer ses vieux jours l’emportent encore bien souvent sur les autres considérations.
Source : Krystèle Tachdjian, Les Echos.