Comme tout actif, le dirigeant de société acquiert au fil des ans des droits à la retraite. Toutefois, pour éviter de subir des effets négatifs sur son « compteur » de trimestres et donc sur sa future pension, il doit se monter particulièrement attentifs sur certains sujets.
Le réflexe fréquent chez un chef d’entreprise consiste à préférer se payer en dividendes plutôt qu’en salaires. Ce choix est guidé par la volonté de ne pas trop charger sa (jeune) entreprise en masse salariale et en cotisations et de privilégier le résultat financier. Avec le temps, cette décision a tendance à se pérenniser. Pourtant, « en matière de retraite, ne privilégier que la rémunération en dividendes s’avère une fausse bonne idée. Si ce scénario se prolonge plusieurs années, cela peut même être dommageable », affirme Emmanuel Grimaud, président et cofondateur de Maximis Retraite.
Pour ce dernier, « en fin de période d’activité professionnelle, la retraite du régime général est le reflet des cotisations passées. Or si le chef d’entreprise ne valide pas tous les trimestres, au bout du compte, il y perdra. Il convient donc de toujours penser que ces charges sociales liées aux paiements des salaires constituent en fait des revenus différés », précise-t-il. « Choisir de se rémunérer en salaire coûte effectivement plus cher à l’entreprise mais pour celui qui perçoit ces sommes, ce mode de rémunération s’avère plus protecteur et joue en faveur de sa future retraite », confirme Pascale Gauthier, responsable de la formation et de la veille réglementaire de Novelvy Retraite.
Le manque à gagner des dividendes
Le manque à gagner lié à une non-cotisation s’avère important dans le calcul des droits acquis et dans le montant de la pension retraite. Selon Maximis Retraite, si une dirigeante ne se paie pas en salaire durant cinq années (et opte pour une rémunération en dividendes), sur la base de 5.000 euros nets par mois, elle perdra en 380.800 euros de retraite cumulés sur vingt-huit ans (espérance de vie d’une femme à l’âge de la retraite). Pour cotiser en permanence et être sûr d’engranger les quatre trimestres, la stratégie minimale consistera à se payer en salaire au moins 6.990 euros en 2024.
Ce point d’attention s’avère crucial car, pour les spécialistes de la retraite, un trimestre manquant dans une carrière ne sera jamais rattrapé. Pour autant, il ne faut pas se verser cette somme sur un seul mois mais surtout penser à l’étaler dans le temps. « Cela est nécessaire pour faire jouer à plein le plafond de la Sécurité sociale, qui sert de repère », précise Pascale Gauthier. Cette dernière souligne que « l’impact sur les droits à la retraite découle aussi du choix du statut de la société au moment de sa création (SAS, SA, EURL, Sasu, SARL). Dès le départ, il convient d’être vigilant sur le sujet de la retraite, même si l’échéance paraît lointaine ».
Vérification du relevé de carrière
Au cours de sa vie professionnelle, un dirigeant, ou tout du moins sa société, peut connaître des hauts et des bas. Le réflexe classique sera d’ajuster sa rémunération en fonction de l’état des résultats financiers. Pour un chef d’entreprise, ces évolutions volontairement en dents de scie des revenus s’avèrent plus fréquentes que celles d’un « simple » salarié, à la rémunération généralement plus linéaire.
Dès que possible, le dirigeant aura tout intérêt à vérifier sur son relevé de carrière communiqué par Info Retraite que ces évolutions de revenus apparaissent bien et surtout qu’elles reflètent la réalité. « Il ne faut pas prendre ces données comme de l’argent comptant. Les erreurs relevées sur ces documents sont fréquentes. Il convient donc de porter une attention particulière aux années où justement les rémunérations ont sensiblement évolué, à la hausse comme à la baisse », conseille Lionel Viennois, président de Valorielles, cabinet spécialisé dans le conseil pour la retraite.
Pour faciliter ce contrôle et être en mesure de pointer les éventuelles irrégularités des caisses, il faut bien penser à conserver (et même à numériser), jusqu’à la liquidation de la retraite, des documents importants comme les bilans comptables de sa ou ses sociétés (même si elles ont été cédées ou n’existent plus), ainsi que les éventuels bulletins de salaire et les avis d’imposition. « Car c’est au futur retraité d’apporter la preuve de l’erreur et fournir les éléments de justification », rappelle Lionel Viennois.
Transition avec le cumul emploi retraite
Opter pour le cumul emploi retraite donne aussi l’occasion de ne pas décrocher tout de suite et d’adopter une transition douce avant de mettre un point final à toute activité professionnelle. « Un chef d’entreprise pourra lever le pied quelques années avant son âge légal de départ en retraite, notamment lorsqu’il aura vendu sa société, en maintenant une rémunération minimale de 6.990 euros par an, ce qui lui permettra de valider chaque année ses quatre trimestres et de conserver sa couverture », souligne Lionel Viennois.
A environ cinq ans de l’âge légal de la retraite ou même au-delà, une des options peut consister à devenir travailleur non salarié (TNS) ou président de SAS en créant sa société de conseils pour facturer des prestations et continuer à cotiser afin d’engranger des trimestres.
Source : Laurence Boccara, Les Echos.