Enrichie par la loi du 29 novembre 2023 sur le partage de la valeur, l’épargne salariale bénéficie de nouveaux leviers pour propager au sein des entreprises de toutes tailles les vertus de ses mécanismes bien spécifiques. Explications.
La semaine de l’épargne salariale qui s’est tenue fin mars aura été l’occasion de saluer la belle dynamique du secteur. Selon les chiffres de l’association française de la gestion financière (AFG), il revendique 187,8 milliards d’euros d’encours sous gestion fin 2023, en hausse annuelle de 15,7 % sous l’effet du rebond boursier. De quoi confirmer le déploiement de dispositifs qui concernent aujourd’hui 397.200 entreprises (+47 % depuis 2012) et 12,5 millions de salariés.
Certes, les salariés des petites entreprises ont toujours un accès limité aux outils du partage de la valeur que sont notamment l’intéressement et la participation. « Selon les dernières données consolidées dont nous disposons, 80,4 % des salariés des entreprises comptant 500 personnes ou plus peuvent en profiter, contre seulement 18,9 % de ceux employés dans des structures de moins de 50 salariés », indique Pierre Havet, délégué général de l’association Fondact. Mais la donne change progressivement.
Plusieurs législations incitatives (lois dites « Macron » de 2015, « Pacte » de 2019 ou encore « Asap » de 2020), démontrent « leur efficacité », juge l’AFG, qui relève qu’en 2023 « le nombre de TPE de moins de 10 salariés équipées en épargne salariale a augmenté en un an de 5,3 % ». Reprenant dans sa quasi-intégralité le contenu de l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur, signé le 10 février 2023, la loi du 29 novembre dernier est à son tour censée conforter cet élan en se concentrant sur trois axes convergents.
Nouveaux dispositifs.
Aujourd’hui L’épargne salariale s’appuie sur deux piliers : l’intéressement (lié à des objectifs commerciaux, de productivité, financiers, etc.) et la participation (assise sur les bénéfices). Une fois signé, l’accord de participation (obligatoire dans les entreprises de 50 salariés et plus) et d’intéressement (facultatif) profite à tous les titulaires d’un contrat de travail (trois mois d’ancienneté minimum) dans une limite individuelle qui ne peut excéder 75 % du Plafond annuel de la Sécurité sociale (Pass)* (soit 34.776 euros en 2024).
Les chefs d’entreprises comptant de 1 à 249 salariés sont éligibles à l’intéressement, et ceux des TPE-PME de 1 à 49 salariés, à la participation s’ils la mettent volontairement en place. Les montants ainsi versés sont déductibles de l’impôt sur les sociétés, exempts de charges et de forfait social (cette dernière exonération est limitée à l’intéressement pour les entreprises de 50 à 249 salariés).
Demain A partir du 1er janvier 2025, toutes les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés devront mettre en place un dispositif d’épargne salariale (intéressement, participation avec formule dérogatoire possible, abondement, prime de partage de la valeur) dès lors qu’elles réalisent un bénéfice net fiscal égal ou supérieur à 1 % de leur chiffre d’affaires durant au moins trois exercices consécutifs (années 2022, 2023, 2024 pour la première mise en oeuvre).
Cette obligation expérimentale (un premier bilan sera établi au bout de cinq ans) s’applique également aux structures relevant du secteur de l’économie solidaire qui, faute de bénéfice fiscal, s’appuieront sur leur recette annuelle pour l’enclencher. Parallèlement, des négociations de branches sur la participation devront débuter d’ici au 30 juin prochain.
Quant aux entreprises de plus de 50 salariés, elles devront, également d’ici au 30 juin, engager une négociation portant sur la définition de l’augmentation exceptionnelle de leur bénéfice et du supplément de prime qui en découle. « Celles qui ont déjà prévu dans leurs accords des clauses spécifiques de ce type ne sont pas concernées », précise Pierre Havet.
Nouvelles sources d’épargne.
Aujourd’hui Les primes d’intéressement et de participation sont versées au plus tard le 1er juin et les salariés disposent de quinze jours pour décider d’empocher ou d’épargner ce bonus. Dans le premier cas, la prime est imposée, dans le second, elle est allégée de charges salariales et, à la sortie, les capitaux et intérêts générés par son placement sont exonérés d’impôt (les prélèvements sociaux restent dus).
Faute de réponse, l’intéressement est bloqué dans un PEE (plan d’épargne entreprise, d’une durée minimale de cinq ans) et la participation, également immobilisée, fléchée à hauteur de 50 % vers un PER (plan d’épargne retraite), collectif si l’entreprise en propose. Une fois placées, ces primes sont susceptibles d’être abondées par l’employeur dans la limite de 300 % des versements, et ce, jusqu’à l’équivalent de 8 % du Pass* pour le PEE (soit 3.709 euros en 2024) et de 16 % pour le PER collectif (7.418 euros).
Demain La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dite prime « Macron », transformée en prime de partage de la valeur (PPV) par la loi du 16 août 2022, pourra désormais être logée dans un plan d’épargne salariale dans les mêmes conditions fiscales et sociales que l’intéressement et la participation. Elle pourra faire l’objet de deux versements par l’entreprise, dans la limite de 3.000 euros par salarié et par an et de 6.000 euros si un accord d’intéressement ou de participation a été conclu.
Un régime dérogatoire est toutefois maintenu jusqu’au 31 décembre 2026, qui permet au bénéficiaire de PPV de l’encaisser en franchise d’impôts et de cotisations sociales s’il travaille dans une entreprise de moins de 50 salariés et touche une rémunération inférieure à trois fois la valeur du SMIC. « Laissée à la main de l’entreprise, la PPV a de fortes chances de se développer au détriment des accords collectifs d’intéressement », regrette Hubert Clerbois, associé du cabinet de conseil Galea EPS Partenaires, qui, comme d’autres experts du secteur, s’inquiète d’« une accumulation de briques législatives qui fragilise plutôt qu’elle ne consolide les fondations sexagénaires de l’épargne salariale ».
Par ailleurs, quelle que soit leur taille, toutes les entreprises sont désormais invitées à mettre en place un plan de valorisation, permettant aux salariés, en cas d’augmentation de la valeur de l’entreprise sur trois ans, de toucher une PPVE (prime de partage de valorisation de l’entreprise). Limitée à 75 % du Pass* par salarié, elle pourra être placée dans un PEE.
Nouvelle offre d’investissement responsable.
Aujourd’hui Les sommes canalisées dans les PEE et PER collectifs sont généralement investies dans des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) diversifiés, gérés par des sociétés choisies par l’entreprise, qui couvrent toute l’échelle de prise de risque.
Ces gammes doivent systématiquement contenir un fonds solidaire (5 % à 10 % investis dans l’économie sociale et solidaire), le plus souvent proposé sous la forme d’un FCPES 90/10 géré, pour sa partie non solidaire, selon un process ISR ( investissement socialement responsable ).
Source : Laurence Delain, Les Echos.