Depuis un plus haut atteint fin 2023, les taux des prêts immobiliers baissent progressivement. Le repli est-il déjà suffisant pour envisager la renégociation d’un emprunt contracté ces derniers mois ? Réponses d’experts.
Avec le substantiel repli des taux immobiliers depuis le plus haut atteint fin 2023, faut-il d’ores et déjà penser à renégocier son crédit ?
Si la mise en concurrence de l’assurance-emprunteurs peine encore à se démocratiser, les Français sont de plus en plus familiarisés avec les vertus de la renégociation du taux des prêts immobiliers. « La pratique est bien ancrée dans les esprits ; en attestent les vagues importantes de renégociation que l’on a connues en 2011, 2017 et 2019 », se rappelle Maël Bernier, directrice de la communication du courtier Meilleurtaux.
Effectivement, quand les taux des crédits immobiliers ont massivement baissé dans les années 2010, à la suite de l’assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) post-crise des dettes souveraines en zone euro, les ménages ont su taper à la porte des agences bancaires. La Banque de France au travers de ses statistiques sur le prêt à l’habitat en donne une illustration.
Alors que la part des renégociations dans les crédits nouveaux est passée en dessous de 15 % en juin dernier, elle représentait plus de 40 % de la production de prêts immobiliers début 2011, plus de 60 % début 2017 et entre 24 et 41 % au printemps 2019, d’après la Banque de France. C’est-à-dire exactement au moment où les courtiers constataient une augmentation des sollicitations.
Baisses de taux supérieurs à 0,7 point
Mais après avoir atteint le niveau plancher de 1 %, la courbe des taux immobiliers s’est inversée, consécutivement au retour de l’inflation en 2022 et aux remontées des taux directeurs décidées par la BCE. En moins de deux ans, les taux d’emprunt ont été multipliés par 4, jusqu’à dépasser le niveau symbolique des 4 % en novembre et décembre 2023.
Depuis, l’inflation semblant sous contrôle, la BCE recommence à baisser ses taux directeurs même si elle avance prudemment pour éviter, notamment, d’alimenter une nouvelle bulle spéculative sur les prix immobiliers. Ce retour à une situation monétaire plus calme permet aux banques commerciales de revenir sur le marché du prêt à l’habitat en fournissant de meilleures conditions de financement. « On reçoit désormais des barèmes en dessous de 3,50 % sur vingt ans », se réjouit ainsi Caroline Arnould, directrice générale du courtier Cafpi.
Ces baisses sont-elles suffisantes pour rendre déjà pertinente la renégociation des crédits immobiliers octroyés fin 2023 ? En théorie, la réponse peut être oui dans la mesure où certains emprunteurs ont bel et bien été contraints d’emprunter entre 4,20 % et 4,50 % pour aller au bout de leur projet immobilier. « Renégocier son crédit immobilier devient intéressant dès lors qu’il y a 0,70 à 1 point d’écart entre le taux de l’ancien et du nouveau prêt », explique Maël Bernier. Avec des barèmes de taux aux alentours de 3,50 % ou 3,60 %, cet écart théorique est donc atteint.
Des dossiers déjà éligibles… sur le papier
En outre, plus les emprunteurs renégocient rapidement leur prêt après sa souscription, plus les économies d’intérêt générées par la baisse du taux seront élevées. « Il faut qu’ils soient dans la première moitié de leur remboursement de crédit, car c’est dans cette moitié que les ménages paient le plus d’intérêts au détriment de l’amortissement du capital », rappelle Caroline Arnould. Là encore, les emprunts contractés en 2023 ou début 2024 remplissent cette seconde condition.
Malgré cela, les professionnels sollicités recommandent de patienter encore un peu avant de pousser la porte des agences. Car à leurs yeux, la baisse des taux n’est pas terminée. « Je pense que d’ici quelques semaines, les taux moyens pourraient tomber à 3,20 % ou 3,30 %. Là, tous les dossiers autour de 4 % pourront se lancer dans la renégociation ou le rachat de crédit », explique la porte-parole de Meilleurtaux. « J’anticipe que les taux ne seront pas loin des 3 % à la fin de l’année », estime quant à elle Caroline Arnould.
Attention aux frais
Intuitivement, certains emprunteurs peuvent se dire que renégocier aujourd’hui ne les empêchera pas de restructurer à nouveau leur prêt courant 2025. Mais ce comportement opportuniste ne peut être pertinent que si les taux baissent rapidement et drastiquement pour absorber à chaque renégociation les frais fixes supportés par les emprunteurs. En effet, si les 0,7 à 1 point d’écart de taux au minimum sont requis, c’est pour couvrir les frais de dossier, les indemnités de remboursement anticipé (IRA) et les frais de garantie du nouveau prêt.
Or, aucun des courtiers sollicités n’envisagent que les taux puissent repasser rapidement sous les 2,5 %. « A mon sens, le marché se stabilisera en 2025 peut-être légèrement en dessous de 3 %, mais pas beaucoup plus bas », anticipe la directrice générale de Cafpi. En résumé, en obtenant aujourd’hui du 3,5 %, au lieu des 4,3 % initiaux, l’emprunteur réalise certes une économie. Mais en attendant quelques mois espérant décrocher du 3 %, il réalisera au final une économie plus grande encore.
Attendre le moment le plus propice, plutôt que de multiplier les demandes, est aussi conseillé dans la mesure où l’emprunteur n’est pas assuré d’obtenir à plusieurs reprises, et dans un laps de temps court, l’aval d’un banquier. Si une fenêtre de tir doit prochainement s’ouvrir pour la renégociation des crédits contractés entre septembre 2023 et février 2024, les banques restent en effet libres de l’accepter ou non. Le rôle de l’emprunteur, comme pour un crédit immobilier initial, consiste dès lors à faire jouer la concurrence et à ne pas s’arrêter à un refus.
Rachat ou renégociation
Dans le détail, deux solutions s’offriront aux emprunteurs désireux d’améliorer leurs conditions de remboursement. Ils pourront d’abord demander un geste commercial auprès de l’établissement qui a accordé l’emprunt initial. L’intérêt de cette renégociation interne se situe au niveau des frais. L’emprunteur s’exposera au seul paiement des frais de dossier, qui varient de 150 euros à 1.500 euros selon les banques et le montant de l’emprunt.
Ces frais de dossier sont négociables mais à moins d’avoir de sérieux arguments à faire valoir comme un encours d’épargne important à rapatrier dans la banque, il est difficile de totalement y couper.
L’alternative à la renégociation s’appelle le rachat de crédit. C’est-à-dire le remboursement de son prêt initial substitué par un nouveau crédit contracté dans une autre banque. En principe, la concurrence étant ravie de récupérer les bons profils d’emprunteurs, les ménages obtiennent avec le rachat de meilleures conditions de taux qu’avec la simple renégociation.
Mais en contrepartie, cette opération est plus coûteuse. Car outre les frais de dossiers, le ménage devra régler des indemnités de rachat anticipé. Ces IRA sont plafonnées, mais peuvent représenter tout de même jusqu’à six mois d’intérêts sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant remboursement du crédit.
En outre, si pour le prêt initial la banque avait requis la prise d’une hypothèque sur le bien financé à crédit, l’emprunteur devra, pour mettre en place le nouvel emprunt, payer des frais de mainlevée d’hypothèque qui dépendent du montant du crédit initial. Par exemple, pour un prêt de 300.000 euros, ces frais de mainlevée sont estimés mi-septembre par les notaires du Grand Paris à 704 euros, soit 0,23 % du capital emprunté. C’est pourquoi « il faut vraiment regarder tous les frais pour statuer sur l’intérêt du rachat avant de se lancer », martèle Caroline Arnould.
Source : Marie-Eve Frénay, Les Echos.